La filière laitière en France : une dynamique à 2 vitesses

La Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH) a publié fin 2023 une étude sur la filière laitière afin de se pencher sur la répartition de la valeur au sein de celle-ci, leur permettant de mieux comprendre les freins au développement d’un élevage durable en France. Cette étude, intitulée « Elevage laitier :  mieux partager la valeur pour assurer un élevage durable en France », réalisée par le cabinet d’analyse Le Basic souligne de grandes inégalités au sein de la filière.

Premier constat : les éleveurs sont les grands perdants de la filière laitière française. Ainsi, alors que la marge brute des éleveurs par litre de lait produit a diminué en 20 ans, les transformateurs et les distributeurs ont eux accroît leur revenu (Jusqu’à + 188% de marge brute pour les distributeurs pour 1L de lait demi-écrémé entre 2001 et 2022). Plusieurs éléments expliquent cette dynamique.

Un produit fini déconnecté du produit brut

Le lait est devenu une matière première qu’il est bien difficile de retracer une fois sortie de la ferme : une fois collecté, il est uniformisé, transformé en sous-produits et ingrédients qui sont ensuite réassemblés. La décomposition de cette matière première standardisée en ingrédients intermédiaires (lait écrémé et crème) et produits dérivés (poudre de lait, babeurre, etc.) va permettre de fabriquer une grande variété de produits laitiers à des coûts optimaux. La valeur économique du produit fini laitier repose alors essentiellement sur l’image de marque, sans lien avec la qualité du lait initiale. Les éleveurs deviennent alors des fournisseurs interchangeables.

Des rapports de pouvoir asymétriques

Face aux 71 000 fermes laitières, seulement quelques entreprises agroalimentaires surpuissantes et 8 distributeurs ayant un quasi-monopole. Ce nombre d’acteurs réduits à l’aval, créé un rapport de force déséquilibré. Par exemple, avec 95% des achats de produits laitiers en France, la grande distribution est un débouché incontournable où l’ensemble des produits sont mis en concurrences. Pour se démarquer, les acteurs se font une guerre d’image et de prix. Cette stratégie a créé une pression économique sur tous les maillons situés en amont de la filière laitière et nivelle les prix au plus bas.

Une intensification forcée condamnant 20% des éleveurs laitiers à vivre sous le seuil de pauvreté

Dans ce contexte de déconnexion entre l’amont et l’aval des filières laitières, et face aux oligopoles de grandes entreprises au niveau de la transformation comme de la distribution, les éleveurs ont une faible capacité de négociation. Ils sont contraints d’intensifier leur production pour alimenter la production de masse et compenser la faiblesse des prix du lait. Cela se traduit par un fort endettement des exploitations laitières (42 % des élevages laitiers sont surendettés et sans trésorerie), un montant élevé d’actifs immobilisés sur l’exploitation (qui est passé de 140 000 euros en 2000 à 330 000 euros en 2020), et un nombre d’heures de travail très important. Les éleveurs sont alors extrêmement dépendants des subventions publiques (à 84 % en moyenne) pour se dégager un revenu.

Pour sortir de cette dynamique défavorable pour les éleveurs, qui freine le développement d’un élevage durable, le FNH invite à agir à différents niveaux. Parmi ses préconisations : rendre obligatoire la transparence des marges des acteurs de la transformation et de la distribution, soutenir les organisations de producteurs laitière, soutenir le maintien en bio par un pourcentage des bénéfices exceptionnels des acteurs de la transformation et de la distribution…

Bio en Hauts-de-France travaille sur la filière laitière biologique à travers le projet Lait’s Go et la commission lait bio. Contactez l’équipe pour plus d’infos.