Les systèmes agricoles des Hauts-de-France font face à un défi climatique majeur. Depuis plusieurs années, la sécheresse et les intempéries (pluies abondantes, inondations, tempêtes) perturbent la gestion des bilans fourragers, impactant directement l’alimentation des élevages de ruminants. En agriculture biologique, où la ration alimentaire des animaux doit comprendre au moins 60 % de fourrage en matière sèche, garantir une autonomie fourragère tout en préservant la qualité des cultures devient de plus en plus complexe.
Pour faire face à ces défis, Bio en Hauts-de-France a lancé un projet expérimental à Condé-sur-l’Escaut, dans le cadre du plan bio du Parc naturel régional Scarpe-Escaut et en partenariat avec le Département du Nord. Cette initiative vise à explorer l’implantation de cultures fourragères innovantes susceptibles de s’adapter aux conditions climatiques variables d’une année à l’autre. L’expérimentation a pu se réaliser dans le cadre du projet agroenvironnemental Chabaud-Latour, avec la mise à disposition de 4 hectares à Nelly et Jean-François Delattre, agriculteurs bio à Crespin (59).
Les expérimentations à la « Ferme du bonheur »
Nelly et Jean-François Delattre élèvent un troupeau de vaches laitières nourries avec les produits cultivés sur la ferme, en bio depuis 1995. Ils ont testé trois nouvelles cultures fourragères : le moha, le millet et le sorgho. Ces cultures ont été choisies pour leur capacité à s’adapter aux conditions difficiles tout en apportant une alternative durable aux cultures fourragères traditionnelles.
Les cultures ont été implantées sur une parcelle de 4 ha, précédemment cultivée en maïs grain, avec un semis effectué entre juin et fin juillet pour permettre la récolte avant l’implantation d’un méteil prévu en octobre/novembre.
Les cultures testées :
- Moha : une plante annuelle, tolérante à la chaleur et à la sécheresse, idéale pour des conditions climatiques extrêmes. Sa croissance rapide en fait un excellent fourrage pour les périodes estivales.
- Millet : une graminée à croissance rapide, résistante à la chaleur et au stress hydrique, mais plus sensible au froid.
- Sorgho : résistant à la chaleur et aux conditions sèches, il peut cependant être sensible aux excès d’humidité, notamment au moment de la germination.
Malgré des conditions difficiles, avec des pluies abondantes perturbant le semis, les cultures ont montré un développement encourageant. Le moha et le millet ont bien levé et se sont bien développés, tandis que le sorgho a souffert de l’humidité excessive, la semence ayant pourri. Un ressemis a été effectué fin juillet avec une variété plus adaptée aux conditions humides.
Les premières observations montrent que, même avec un départ perturbé, ces cultures peuvent bien résister aux aléas climatiques, avec un meilleur développement sous des conditions sèches.
Résultats et enseignements :
Les cultures de moha, millet et sorgho ont montré un bon potentiel pour compléter les bilans fourragers dans un contexte de dérèglement climatique. Ces espèces à croissance rapide ont bien toléré l’humidité et le stress hydrique, offrant une alternative intéressante aux cultures traditionnelles, notamment en période de sécheresse. En particulier, le sorgho, avec ses capacités de multi-coupe, pourrait offrir une flexibilité supplémentaire pour les exploitants.
Avantages | Inconvénients |
· Valorisation en fourragère et en pâturage
· Favorise les pollinisateurs · Culture qui a bien évolué malgré l’année humide, elle exprimera tout son potentiel sur une année sèche (résistance au stress hydrique) · Sorgho multi coupe · Pérennité réduite (3 à 6 mois) · Couvert végétal fourrager intéressant · CIVE d’été |
· Moha, Millet monocoupe
· Plante sensible au froid et au gel · Veiller à bien réfléchir à la date d’implantation |
Cette expérimentation montre que le moha, le millet et le sorgho peuvent offrir des solutions viables pour renforcer l’autonomie fourragère des exploitations face aux défis climatiques. Adaptées aux conditions extrêmes, ces cultures représentent une piste intéressante pour garantir une production fourragère plus résiliente et durable dans les Hauts-de-France.
Lucille LUTUN
l.lutun@bio-hdf.fr
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