Au cœur de la campagne montreuilloise, Joséphine et Benoit cultivent la terre désormais ensemble après avoir pris le chemin de l’agriculture biologique en 2019. Depuis plusieurs décennies, la ferme suivait le modèle agricole classique, mais l’envie de nouveauté de Benoit, associée à l’installation de Joséphine, ont amené le couple à construire un système plus cohérent. Joséphine s’engage au sein du conseil d’administration de Bio en Hauts-de-France depuis 1 an et demi.
Un système bio amenant de nouvelles pratiques et une transformation du paysage de la ferme : « En bio, on ne met pas tous les œufs dans le même panier, on se diversifie. Plus de cultures, plus de désherbage, plus de travail du sol mais moins d’utilisation de produits », résume Benoit, rejoint par Joséphine sur la ferme en 2014, après un début de carrière dans le médico-social. En tant que conjointe collaboratrice, d’abord, elle développe un peu la vente directe et se mobilise en parallèle pour créer le drive fermier du montreuillois aux côtés d’une dizaine de producteurs, qui voit le jour en 2016. « Une implication de quelques années intéressante à plusieurs niveaux : la dynamique, le collectif et le complément de revenu. J’ai cependant stoppé l’aventure en 2019 avec la découverte de ma maladie, la charge de travail était trop importante. »
BPREA en poche, des opportunités se sont ensuite présentées à Joséphine, notamment la cession d’une partie de l’exploitation de son oncle qui faisait de la rhubarbe bio : « Je me suis installée à cette occasion, il n’y avait pas de place pour 2 revenus sur la ferme avec Benoit. Ce nouveau statut d’agricultrice, avec la production de rhubarbe sur 8 hectares, a été valorisant. Une reconnaissance autre que simplement épouse d’agriculteur.» Les deux exploitations fonctionnent séparément pendant plus d’un an, pour finalement se réunir en 2023, le tout 100% en bio depuis 2024, achevant une conversion amorcée en 2019.
L’agriculture biologique, un virage pour le couple et plusieurs producteurs du territoire qui s’interrogent sur cette transition et les compétences qu’elle vient chambouler. Des craintes au niveau technique finalement levées après quelques formations. « Cette dynamique locale a permis de rassurer. Le groupe, les échanges, les accompagnements techniques nous ont aidés. Avec des coopératives qui suivaient alors le bio, cela a permis de nous lancer plus sereinement. » La création d’une CUMA vient compléter le mouvement. « Il faut être en position de réapprendre son métier, avoir envie de refaire de l’agronomie, ne plus suivre simplement ce que dit le technicien. Tout est possible : il faut tester des choses pour s’améliorer en permanence. Les aléas climatiques obligent à changer nos habitudes, de toute façon.»
Sur les 98 hectares de la ferme, 97 ha sont valorisés en circuit long, 1 ha en circuit court. Joséphine aspire à développer la vente directe avec la création de petits ateliers, comme des fraises. « J’aime le contact avec les clients, ça donne du sens et permet une meilleure rentabilité, car on maitrise tout de A à Z, sur des petites surfaces. » La vie à la ferme s’anime en été avec l’embauche de saisonniers pour la rhubarbe notamment : « J’encadre entre 15 et 20 personnes, tout est manuel pour la récolte, c’est physique. Ce n’est pas facile de trouver de la main-d’œuvre sur le territoire, on fonctionne en groupement d’employeurs avec les frères de Benoit. La rhubarbe est une culture pas si facile à gérer, les années ne se ressemblent pas. Depuis la crise, j’ai diversifié les canaux de vente pour éviter de dépendre d’un acheteur unique. »
Quelques projets sont en réflexion au sein du couple. « On en a encore pour 20 ans sur la ferme. L’élevage a été évoqué, ce serait top dans le système, mais la peur de s’embarquer dans l’inconnu avec des astreintes nous freine.» La construction d’un bâtiment pour stocker les récoltes, installer un atelier mécanique ainsi que des bureaux est quant à elle imminente. « Cela nous permettra d’accueillir les salariés, actuellement ça se fait dans la maison ! Et cela nous obligera à scinder travail / maison », sourit Joséphine. « On s’organise pour partir une fois en vacances dans l’année avec nos 3 enfants. Si on ne part pas, on ne coupe pas. C’est important de lever le pied ! »
Fermoscopie :
- 2003 : Installation de Benoit
- 2021 : Installation de Joséphine
- 2019 : début de conversion
- 2024 : certification 100% bio
- SURFACE : 98 ha de SAU, dont 5 ha de rhubarbe
- PRODUCTION : rhubarbe et grandes cultures traditionnelles : blé, pommes de terre, maïs, pois de conserve, épinards, chanvre, haricots verts, lin textile, fèverole…
- VENTE : en circuit long (Trinature, Unéal, Opalin, grossistes privés), 1 ha valorisé en circuit court et un peu d’oignon et échalote en vente directe
- EMPLOI : 2 et entre 15 et 20 saisonniers recrutés chaque année